Bayun the Cat / Helga Dom (extraits du troisième numéro de la revue ROAR)

Helga Dom - dessin sans titre

Une petite histoire (avec de la musique) de la part d’un Kyivien avec un passeport russe. Le passeport n’a de l’importance que parce qu’il justifie mon apparition sur ce site. Les roquettes, elles, ne te demandent pas tes papiers.

Cette histoire raconte comment mon enfant et moi nous avons préservé notre santé mentale en mars 2022.

En tant que musicien, je me réfugiais d’abord dans les exercices, puis dans l’improvisation libre. Chaque soir, j’avais quelques minutes pour m’enregistrer, pendant que Séraphin transformait la baignoire en parc aquatique. J’enregistrais sans aucune règle, je prenais simplement la kalimba, ou je posais le synthé sur la table, et je jouais ce qui me passait par la tête… En ces moments-là, c’était le seul moyen dont je disposais pour essayer de faire face à ce qui déferlait sur nous. Rassembler, à partir de rien, le sens évaporé, débloquer le rythme intérieur, faire revenir la sensation de son corps et de sa respiration, émerger de cette paralysie.

A. Medvedev (Infornal FuckЪ) – «Mentalité»

Lojkine - La vie avec/sans barbe

La Russie post-Eltsine est héritière du salmigondis idéologique qui avait servi de prétexte au pillage des actifs soviétiques : la constitution de 1993, rédigée sur mesure pour donner des pouvoirs exceptionnels au président, définit l’État russe comme étant, en théorie, dénué d’idéologie ; dans la pratique, la société et les élites dirigeantes oscillaient entre les aspirations progressives et alignées sur les valeurs occidentales et des mirages d’une grandeur impériale mise à mal par les bolchéviks mais potentiellement retrouvable.

Vera Polozkova — «Mes adresses…» (extrait du deuxième numéro de la revue ROAR)

ROAR: Deuxième numéro – Résister à la violence

Russian Oppositional Arts Review (ROAR) est un projet culturel et artistique russe d’opposition lancé en ligne depuis début mars par l’écrivaine Linor Goralik, et auquel votre humble serviteur contribue comme traducteur. Dans la version francophone du deuxième numéro, en ligne depuis une semaine, vous pourrez ainsi trouver, traduite par mes soins, cette poésie de Vera Polozkova, poétesse, actrice et chanteuse, une des nombreuses personnalités culturelles à avoir quitté la Russie après les début de l'invasion russe en Ukraine.

A. Medvedev (Införnal FuckЪ) – «Vlad l’Immortel»

graffiti poutine crimée

En russe, tout prénom peut avoir une multitude de déclinaisons pas très instinctives d’un point de vue francophone : ainsi, pour les intimes (et, dans une certaine mesure, les aînés), Alexandre devient Sacha ou Choura. En français, on utilise l’obscur terme « hypocoristique » pour décrire cette transformation, alors que les russes l’intitulent уменьшительно-ласкательный, littéralement « diminutif-cajoleur ». Ce « diminutif », d’ailleurs, n’est pas forcément plus court, puisque divers suffixes peuvent le transformer et y ajouter des syllabes chargées d’émotions supplémentaires, augmentant les cajoleries (Sachen’ka, Sachouletchka) ou les troquant pour une affection plus virile (Sachok, Chourik).

Rock-Lobotomie, 4e partie. «Éternellement jeunes, éternellement saouls»

Vassia Lojkine - LOciident nous aidera

Note du traducteur : Le délai qui s’est écoulé entre la publication de cette quatrième partie de la série « Rock-lobotomie » et la précédente s’explique par deux circonstances : premièrement, je ne me suis pas rendu compte, lors de mes premières recherches, de l’existence de cette quatrième partie, à cause du titre formulé de manière différente (« Лоботомия в стиле рок » au lieu de « Рок-лоботомия »). Deuxièmement, même après avoir découvert son existence, j’ai hésité à en publier la traduction car elle doit s’accompagner, comme qui dirait, d’un trigger warning : Konstantin Siomine, comme beaucoup de marxistes de la Russie contemporaine – la majorité, aurais-je envie de dire – est adepte d’une conception de la question des minorités sexuelles que je jugerais d’archaïque, et son propos le reflète.

Krematoriï – « Petite Fille »

Parmi les différents centres du rock au temps de l’URSS, celui que les billets de ce blog ont le moins couvert sont les rejetons du « rock-laboratoire » de Moscou. Pourtant, ce ne sont pas les cas curieux qui manquent : Nogu Svelo, l’un des groupes de rock les plus populaires des années 1990, Mongol Shuudan et leurs premiers concept-albums sur la makhnovchtchina, les séminaux Bravo et Janna Agouzarova avec Brigada S à leurs côtés, les expérimentations de Piotr Mamonov et Zvuki Mu, les carrières singulières de Va-Bank et Megapolis, les gros riffs de Black Obelisk ou Korrozia Metalla… Et, au milieu de tous ces musiciens sur lesquels j’aimerais me pencher plus en détail, il y a un collectif qui, à vrai dire, me rebute un peu mais qui se pose en incontournable : Krematoriï.

La Russie sera Subtropicale ! (V. Pribylovski, 1995)

Note du traducteur :
Deux raisons me poussent à publier une nouvelle traduction du « Manifeste Subtropical ».

Premièrement, la précédente version, hébergée sur le site Mediapart, était scindée en deux parties : un billet d’introduction, et la traduction du Manifeste à proprement parler téléchargeable sous forme de fichier .pdf. Hélas, au gré des métamorphoses du site, les pièces jointes sont passées à la trappe, et cette version n’est donc plus accessible au public depuis un bout de temps.

Deuxièmement, parce que malgré la dizaine d’années qui sépare les deux traductions, et le quart de siècle qui s’est déroulé depuis l’écriture de l’original, ce dernier n’a rien perdu de sa pertinence. Instantané satirique d’une arène politique proprement surréaliste, le Manifeste nous aide à comprendre, en dépit de toutes ses dérives comiques, la manière dont les manipulations cyniques, la violence physique et le pillage généralisé ont pu anéantir tout espoir de démocratie dans les esprits russes en quelques années.

Tchaïf – «Le temps n’attend pas» (De Machiavel à Nora Gal, en passant par Lénine)

C'est l'heure de hurler. Illustration de Vassia Lojkine.

Lors de la traduction d’un texte littéraire en général, et poétique en particulier, la question des éventuelles inspirations et références se pose toujours, même s’il s’agit de déterminer de manière plus ou moins plausible leur absence. Le titre du morceau traduit plus bas – время не ждёт, « le temps n’attend pas » ne fait pas trop de doute : quelqu’un, quelque part, a probablement utilisé ces mots exacts, et ils sont restés dans les mémoires. Et une recherche, même superficielle, confirme que c’est arrivé plusieurs fois en des contextes variés et avec des intentions bien différentes, qu’il devient curieux de comparer entre elles.