Allons, creusons la neige
Trouvons-y au moins un rêve [1],
Tu as dit, tu es sûre,
Il habite là-bas.
Ramenons-le chez nous
Et gardons-le jusqu’au printemps,
Puis relâchons-le du balcon
Qu’il s’envole.
La clochette dans tes cheveux
Résonne d’un sol-dièse.
La clochette dans tes cheveux…
Allons, allumons un feu,
Et réchauffons au moins une étoile
Tu as dit que c’est ainsi
Qu’il fallait faire.
Assis près des flammes,
Nous nous raconterons nos rêves,
Puis l’oiseau matinal
Nous chantera sa chanson
Et s’envolera.
La clochette dans tes cheveux
Résonne d’un sol-dièse.
La clochette dans tes cheveux…
Allons, faisons fondre la glace
Pour sauver au moins un amour,
Tu as dit que tu y voyais
Une nouvelle aurore.
Nous écrirons un poème
Racontant comme nous sommes bien ensemble,
Puis tu m’apprendras
À danser la polonaise
Et nous décollerons.
La clochette dans tes cheveux
Résonne d’un sol-dièse.
La clochette dans tes cheveux…
Titre original :Чиж & Co – «Полонез» [2]
Album homonyme, 1996
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Si ce morceau fait partie des épisodes de poésie universelle qui n’exigent pas une longue présentation du contexte, il est tout de même curieux de relater les deux anecdotes qui ont mené à sa création. Les premiers vers ont été inspirés par Daria, la fille de l’auteur, Sergueï Tchigrakov. Olga Tchigrakova, sa deuxième épouse, relate ainsi la genèse des paroles :
Nous étions en vacances avec Daria à Dzerjinsk, chez sa grand-mère. Alors qu’elle était en train de jouer sur la balançoire, elle m’a demandé : « M’man, il y a quoi, là-bas, sous la neige ? » Je lui ai dit : « de la terre ». Elle m’a répondu : « Allons, creusons la neige, et trouvons-y au moins un rêve ! » […] De retour à Saint-Pétersbourg, j’ai raconté ça à Sergueï. Il a été étonné, il a pris un air pensif, et le lendemain il a livré cette chanson.
Page officielle du groupe sur le site vk.com, 2018
Quant au refrain, il a été inspiré par une autre enfant, Inna, fille adoptive d’un ami de la famille Tchigrakov, Oleg « Oliver » Lvov, qui les avait hébergés dans son appartement communautaire. Âgée de quatorze ans à l’époque, Inna avait, suivant la mode hippie, tressé une petite clochette dans ses cheveux. Le son de cette clochette plaisait tellement à Tchigrakov qu’il a déterminé avec précision sa tonalité : sol-dièse.
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1. La langue russe, contrairement au français ou à l’anglais, établit une distinction très nette entre le rêve en tant que phénomène psychique survenant durant le sommeil (m. сон) et le rêve en tant qu’aspiration ou vision éveillée (f. мечта). Dans le texte original, c’est ce deuxième terme qui est utilisé. J’ai été tenté de traduire par « rêverie » pour garder le féminin, mais j’ai fini par me dire que ce choix ne reflétait peut-être pas de la manière la plus fidèle l’image d’origine.
2. En russe, il existe, une fois de plus, une distinction qui s’efface en français, entre l’adjectif féminin польская, le gentilé полячка et le nom de la danse полонез, calqué sur le français «polonaise».
