A. Medvedev (Infornal FuckЪ) – «Mentalité»

Lojkine - La vie avec/sans barbe

La Russie post-Eltsine est héritière du salmigondis idéologique qui avait servi de prétexte au pillage des actifs soviétiques : la constitution de 1993, rédigée sur mesure pour donner des pouvoirs exceptionnels au président, définit l’État russe comme étant, en théorie, dénué d’idéologie ; dans la pratique, la société et les élites dirigeantes oscillaient entre les aspirations progressives et alignées sur les valeurs occidentales et des mirages d’une grandeur impériale mise à mal par les bolchéviks mais potentiellement retrouvable.

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A. Medvedev (Införnal FuckЪ) – «Vlad l’Immortel»

graffiti poutine crimée

En russe, tout prénom peut avoir une multitude de déclinaisons pas très instinctives d’un point de vue francophone : ainsi, pour les intimes (et, dans une certaine mesure, les aînés), Alexandre devient Sacha ou Choura. En français, on utilise l’obscur terme « hypocoristique » pour décrire cette transformation, alors que les russes l’intitulent уменьшительно-ласкательный, littéralement « diminutif-cajoleur ». Ce « diminutif », d’ailleurs, n’est pas forcément plus court, puisque divers suffixes peuvent le transformer et y ajouter des syllabes chargées d’émotions supplémentaires, augmentant les cajoleries (Sachen’ka, Sachouletchka) ou les troquant pour une affection plus virile (Sachok, Chourik).

Rock-Lobotomie, 4e partie. «Éternellement jeunes, éternellement saouls»

Vassia Lojkine - LOciident nous aidera

Note du traducteur : Le délai qui s’est écoulé entre la publication de cette quatrième partie de la série « Rock-lobotomie » et la précédente s’explique par deux circonstances : premièrement, je ne me suis pas rendu compte, lors de mes premières recherches, de l’existence de cette quatrième partie, à cause du titre formulé de manière différente (« Лоботомия в стиле рок » au lieu de « Рок-лоботомия »). Deuxièmement, même après avoir découvert son existence, j’ai hésité à en publier la traduction car elle doit s’accompagner, comme qui dirait, d’un trigger warning : Konstantin Siomine, comme beaucoup de marxistes de la Russie contemporaine – la majorité, aurais-je envie de dire – est adepte d’une conception de la question des minorités sexuelles que je jugerais d’archaïque, et son propos le reflète.

Krematoriï – « Petite Fille »

Parmi les différents centres du rock au temps de l’URSS, celui que les billets de ce blog ont le moins couvert sont les rejetons du « rock-laboratoire » de Moscou. Pourtant, ce ne sont pas les cas curieux qui manquent : Nogu Svelo, l’un des groupes de rock les plus populaires des années 1990, Mongol Shuudan et leurs premiers concept-albums sur la makhnovchtchina, les séminaux Bravo et Janna Agouzarova avec Brigada S à leurs côtés, les expérimentations de Piotr Mamonov et Zvuki Mu, les carrières singulières de Va-Bank et Megapolis, les gros riffs de Black Obelisk ou Korrozia Metalla… Et, au milieu de tous ces musiciens sur lesquels j’aimerais me pencher plus en détail, il y a un collectif qui, à vrai dire, me rebute un peu mais qui se pose en incontournable : Krematoriï.

Tchaïf – «Le temps n’attend pas» (De Machiavel à Nora Gal, en passant par Lénine)

C'est l'heure de hurler. Illustration de Vassia Lojkine.

Lors de la traduction d’un texte littéraire en général, et poétique en particulier, la question des éventuelles inspirations et références se pose toujours, même s’il s’agit de déterminer de manière plus ou moins plausible leur absence. Le titre du morceau traduit plus bas – время не ждёт, « le temps n’attend pas » ne fait pas trop de doute : quelqu’un, quelque part, a probablement utilisé ces mots exacts, et ils sont restés dans les mémoires. Et une recherche, même superficielle, confirme que c’est arrivé plusieurs fois en des contextes variés et avec des intentions bien différentes, qu’il devient curieux de comparer entre elles.

Mike Naoumenko (Zoopark) – «La Chanson du gourou»

Parler des chansons de Mike Naoumenko est, parfois, assez facile : les souvenirs des amis, collègues, disciples et simples témoins des événements ont été consignés dans de nombreuses biographies et mémoires dédiées à Mike en personne ou à la vie de la bohème de Leningrad en général, et des sites compilant les song facts citent ces ouvrages et résument les différentes versions des événements de manière fort pratique. Il ne reste qu’à paraphraser ou à citer.

Nol’ — «Je marche, je fume» (Pour vivre heureux, vivons perchés)

Dans la spirale historique de la Russie, il y a deux époques qui se font écho de manière particulièrement vibrante : les réformes de la NEP, la Nouvelle Politique Économique juste après la guerre civile (1922 à 1928) et, quelques décennies plus tard, la libéralisation économique lancée avec la perestroïka et achevée sous Eltsine. Difficile de dire si, conformément à l'adage établi par un célèbre philosophe, l’une ou l’autre aurait été davantage une tragédie ou une farce, ce qu’on peut simplement constater, c’est que les œuvres artistiques de l’Union Soviétique post-stalinienne avaient tendance à romantiser l’aspect « truand » de la NEP, sa luxure et sa débauche, avec l’aval et le soutien croissants de la propagande officielle. Du charmeur mais encore tragique personnage d'Ostap Bender porté à l’écran dans les années 1960-70 aux plates bouffonnades comme « Les rêves d’un idiot » dans les années ‘90, le degré de complaisance évolue, en général, de manière inversement proportionnelle à la moralité et au talent des réalisateurs.

«La Grande escroquerie du rock’n’roll – 2» (I. Kormiltsev)

En son temps, le parrain du punk, Malcom MacLaren, avait réalisé un film dans lequel il expliquait comment il avait habilement su vendre la révolte de dadais britanniques à une bourgeoisie apeurée et ayant définitivement perdu foi en l’avenir suite à la finale mouvementée des années ‘60 révolutionnaires, à la crise pétrolière de 1973 et au début de la terreur palestinienne à l’Olympiade de Munich.
– No future, il n’y a pas d’avenir ! hurlait Johnny Rotten, et les maîtres du monde apeurés répétaient en chuchotant : – Yes, yes, no future…
C’est sur cette coïncidence entre l’offre et la demande que l’écossais aux taches de rousseur s’est fait ses millions. Puis il a balancé le secret du succès dans un film cynique, The Great Rock’n’Roll Swindle (La Grande escroquerie du rock’n’roll).
Pour l’instant, dans la triste histoire du rock russe, par chance ou par malheur, il n’y a pas eu de MacLaren local pour tourner une suite sous le titre « La Grande escroquerie du rock’n’roll – 2 ». Car, comme dans cette histoire britannique, nous avons affaire à ce vieux tour philistin : convertir la fureur des poètes en capital politique pour les grands de ce monde, pour ensuite livrer aux mains de la foule bernée les Maures qui ont fait leur devoir