Nol’ – «Rue Lénine»

Une occasion bizarre de dépoussiérer ce vieux texte, la première adaptation que j’avais publiée sur mon blog Mediapart, il y a presque sept ans: Fiodor Tchistiakov, ancien leader du légendaire groupe Nol’, a annoncé qu’il ne comptait pas, à l’issue de sa tournée américaine, retourner vivre en Russie. La raison: les «Témoins de Jéhovah», église dont il fait partie, sont aujourd’hui considérés comme une «organisation extrémiste». Le 17 juillet, le dernier recours des Témoins auprès de la justice russe échoue, et le verdict est maintenant définitif.

Tchistiakov, figure majeure du rock de la Perestroïka, a eu un gros passage à vide artistique entre le début des années 1990 et les années 2010. Aujourd’hui, alors qu’il retrouve une inspiration et un public, après des années minées par la dépression, «Tonton Fiodor», comme on l’appelle parfois, renonce à habiter rue Lénine. Son nouveau single, «Temps de vivre», commence par les paroles : «Il n’y a rien à faire, il n’y a rien à faire, il n’y a rien à faire, seulement s’enfuir». Ce morceau est une récup’ d’une chanson inachevée, écrit encore à l’époque de Nol’, en 1992. À la base, Tchistiakov sous-entendait une fuite imagée, devant la vie ou ses problèmes, mais aujourd’hui ce texte prend un autre sens.

Les Témoins de Jéhovah, j’en pense pas-grand-chose — comme beaucoup j’ai juste cette image d’une organisation au prosélytisme ennuyeux et aux allures quelque peu sectaires, mais ayant un penchant vers la non-violence que je ne peux que respecter. Du prosélytisme, on n’en trouvait ni dans les textes ni dans les interviews de Tchistiakov, cette foi a été pour lui une question personnelle, et une manière, d’après le musicien lui-même, de vaincre ses démons.

«Je ne peux pas croire que moi, Fiodor Tchistiakov, suis un extrémiste et une menace pour la Russie. Je ne lutte pas contre le régime. Plus que ça: j’ai beaucoup de respect envers le pouvoir. Mais on m’a joué, comme une carte dans un grand jeu politique. C’est du délire

Dans cet enregistrement de 1991, Tchistiakov, introduisait la chanson avec ces mots:

«On dit qu’aujourd’hui, tout ça c’est fini, que tous les commissaires se sont envolés… et que bientôt tout ira bien… Mais c’est une chanson qui parle de ce qui étouffe. Elle s’appelle “J’habite rue Lénine”»

***

Tu me demandes pourquoi parfois je me tais,
Sans un sourire pour éclairer ma face.
Ou au contraire, je blague sans gaieté
En me tordant dans d’horribles grimaces.

Tout simplement, j’habite rue Lénine,
Et de temps en temps, ça me mine.

Mais qu’est-ce que tu veux d’un esprit dément ?
On m’a planté, à l’école, des clous dans le front,
Dans les oreilles et la bouche, une poire à lavement,
Ainsi j’ai appris d’importantes et utiles leçons.

Je suis né et j’ai grandi rue Lénine,
Et de temps en temps, ça me mine.

J’adore ma patrie comme je la déteste,
Il n’y a pas, camarades, de quoi s’étonner :
C’est une éclopée, et oui, c’est une peste,
Mais en attendant, j’ai rien d’autre à aimer.

C’est ainsi que j’habite rue Lénine,
Et de temps en temps, ça me mine.

Titre original : Ноль«Улица Ленина»,
Album : Песня о безответной любви к родине, 1991.

 

***

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Photo : «Triste transformateur», auteur inconnu

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